Quels marchés pour les poissons d’Afrique ?

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Par André Naoussi, envoyé à Abidjan (Côte d’Ivoire)

Comment sortir du paradoxe d’un continent dont les eaux sont riches en poissons, mais qui importe 75% de ses besoins en ressources halieutiques et ne contribue que pour 5% aux échanges mondiaux de ce secteur ? Des solutions ont été esquissées du 10 au 12 mars 2022 à Abidjan, au cours d’un atelier sur le thème : «Pour un meilleur accès au marché régional et international des produits de la pêche et de l’aquaculture africaines».

 ‘’Les produits aquacoles sont meilleurs quand on les consomme crus’’ ; Mamadou Tall, expert pêches à la CEDEAO, a fait bondir plus d’un participant en répétant cette assertion. Mais en précisant tout de suite que tout dépend de la nature de l’élevage, du processus de capture et de la qualité de la conservation. En un mot, les ‘’normes de qualité’’ sont cruciales dans tout le processus de gestion des produits de la pêche ou de l’aquaculture. L’inexistence ou la passivité des normes explique en partie la rareté des produits halieutiques africains sur les marchés du continent et davantage à l’international. Où le poisson (terme générique) vit-il, comment est-il élevé ? Après capture, il est soumis à quelles règles sanitaires de transformation et conservation ? Dans quels conditionnements et par quels circuits parvient-il sur les marchés ? Autant d’étapes de la ‘’chaine de valeur’’ qu’il faut clarifier pour rassurer acheteurs et consommateurs, locaux ou étrangers.

Collecte fastidieuse

Les données sur toutes ces préoccupations doivent être collectées, traitées et partagées entre pays, pour une meilleure conquête des marchés. C’est la mission assignée à l’agence intergouvernementale INFOPECHE, organisatrice de la concertation d’Abidjan, en mode hybride (présence physique et visioconférence), avec l’appui de la Conférence Ministérielle pour la Coopération Halieutique entre les États Africains riverains de l’océan Atlantique (COMHAFAT).

Nul n’ignore que la collecte des données de la pêche est fastidieuse sur le continent. Entravée à la fois par le silence voire la réticence des responsables étatiques, la faiblesse des moyens matériels et financiers, l’insuffisance du personnel qualifié, l’opacité des accords commerciaux, l’obsolescence des outils de collecte, traitement et diffusion…

Libre-échange et libre circulation

Avec l’avènement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), la coopération commerciale intra-africaine va s’intensifier, et le poisson ne doit pas être en reste.INFOPECHE se doit de disposer des statistiques sur les importateurs et exportateurs, les armateurs, les pêcheurs, les quantités, la qualité, les prix des productions halieutiques, les circuits de commercialisation.

L’Afrique devrait conquérir d’abord son propre marché, en montrant une volonté politique forte, dont quelques aspects concrets peuvent se mettre en place sans délai : création de structures nationales de la ZLECAF (l’exemple de la Côte d’Ivoire est édifiant), levée des obstacles à la libre circulation des biens et des personnes, suppression des barrières non tarifaires, appui à l’organisation des acteurs de la pêche, lutte contre la pêche illégale, promotion de la participation des femmes et des jeunes dans la chaine de valeur de la pêche.

Éco-label

Cet assouplissement de mesures n’entrainant bien sûr pas de laxisme au plan hygiénique. Le poisson africain doit être ‘’éco-labellisé’’ (étiquette montrant qu’il respecte les règles environnementales, légales et sanitaires), pour franchir les barrières vers d’autres marchés hautement demandeurs d’Europe, d’Amérique, d’Asie.