Controverse internationale autour de la protection des anguilles : le Japon conteste la proposition européenne
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La proposition conjointe de l’Union européenne et du Honduras, visant à inscrire toutes les espèces d’anguilles d’eau douce du genre Anguilla à l’Annexe II de la CITES lors de la vingtième Conférence des Parties fin 2025, suscite une forte opposition du Japon. S’appuyant sur des données scientifiques récentes, les autorités japonaises contestent la nécessité de cette mesure, en particulier pour l’anguille japonaise (Anguilla japonica), qu’elles jugent non menacée. Ce désaccord met en lumière des divergences importantes sur l’évaluation de l’état des populations et des stratégies de conservation entre l’Europe et le Japon, au cœur d’une controverse internationale majeure.
La proposition de l’Union européenne et du Honduras visant à inscrire toutes les espèces d’anguilles d’eau douce (genre Anguilla) à l’Annexe II de la CITES, lors de la vingtième Conférence des Parties, suscite de vives réserves au Japon. Les autorités nippones, s’appuyant sur des données scientifiques récentes, jugent cette mesure injustifiée et potentiellement contre-productive.
Une espèce japonaise jugée « non menacée »
Contrairement à l’anguille européenne (Anguilla anguilla), déjà protégée depuis 2009, l’anguille japonaise (Anguilla japonica) ne répond pas, selon Tokyo, aux critères d’inscription. Les recherches menées par l’université de Tokyo (Tanaka, 2025) estiment sa population adulte à environ 21 000 tonnes, soit 84 millions d’individus. Cette biomasse représenterait 28 % du stock de référence, un niveau supérieur aux seuils fixés par la CITES. Les évaluations japonaises avancent en outre une probabilité d’extinction inférieure à 0,02 %, loin du critère de 20 % retenu par l’UICN pour classer une espèce en danger
Le recul des captures, un indicateur trompeur
L’UE fonde en partie sa proposition sur le déclin observé dans les captures de civelles, jeunes anguilles destinées à l’élevage. Le gouvernement japonais nuance cette lecture : cette baisse serait davantage liée à la chute du nombre d’aquiculteurs – passés de plus de 3 000 dans les années 1970 à moins de 400 aujourd’hui – et aux progrès technologiques ayant réduit la mortalité en élevage. Ainsi, la diminution des prises ne refléterait pas un déclin réel du stock naturel
Des efforts de conservation déjà engagés
Depuis 2017, Tokyo a multiplié les mesures en faveur de l’habitat de l’anguille : restauration de zones humides, préservation de méandres fluviaux, mise en place de passages pour poissons et programmes de réintroduction d’un à trois millions de civelles par an. Selon l’Agence des pêches, 86 sites d’amélioration ont été déployés dans 40 rivières et deux lacs
Les risques d’une inscription jugée disproportionné
Les autorités japonaises alertent sur les conséquences économiques d’une telle décision. Une inscription globale du genre Anguilla provoquerait, selon elles, une flambée du prix des civelles, favorisant braconnage et contrebande, sans bénéfice tangible pour la conservation. La FAO, dans un rapport de 2022, mettait déjà en garde contre de telles mesures « fourre-tout », susceptibles de déstabiliser des communautés de pêcheurs artisanaux et d’entamer la crédibilité de la CITES
Un problème de commerce illégal centré sur l’Europe
Enfin, Tokyo rappelle que le commerce illégal, notamment celui de l’anguille européenne, relève avant tout de failles dans le contrôle intra-européen. Europol estime qu’environ 100 tonnes de civelles sont introduites clandestinement chaque année depuis l’UE. Le Japon insiste sur la séparation géographique stricte entre A. japonica et A. anguilla, et propose des alternatives réglementaires, comme le recours aux certificats de capture prévus par le règlement européen sur la pêche INN