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Crevettes du Cameroun : pistes pour une relance

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Crevettes du Cameroun : pistes pour une relance

Naoufel Haddad
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Par André NAOUSSI, à Douala (Cameroun)

L’espoir demeure pour un retour massif sur le marché national et international des crevettes du Cameroun (notamment les très prisés ‘’gambas’’). Il faut encore lever de nombreuses barrières sanitaires, économiques et environnementales.

Solutions optimistes, malgré un tableau inquiétant. Il n’y a pas eu de complaisance mi-mars à Douala, pendant les trois jours de présentation des résultats de l’analyse de la chaine de valeur de la filière crevettes, premier produit de pêche que le Cameroun exporte. Les études, menées pendant six mois par des équipes de l’Institut des sciences halieutiques de l’université de Douala (ISH basé à Yabassi), ont été analysées par une Unité de gestion de projet (UGP) de la FAO à Rome, dans le cadre du programme ‘’Fish for ACP – Cameroun’’ lancé en juin 2021.

Les quantités capturées sont estimées à 5.300 tonnes, soit plus de dix fois les quantités enregistrées dans les statistiques du Minepia ! Sur le marché international le Cameroun demeure un «acteur en retrait», avec des transactions officielles de 1,6 million de dollars (moins du milliard de Cfa). Chiffre invraisemblable, parce que des quantités informelles très importantes sont écoulées vers le Nigéria, le Gabon, le Tchad, la Guinée Équatoriale, et autres. Mme Édith Essombè, présidente d’une coopérative de pêche, reconnait cette situation paradoxale : «Ces gens-là sont proches de nous, ils viennent sur place. En plus, ils nous donnent des prêts sans intérêts pour acquérir le matériel et l’entretenir (moteurs hors-bord,  filets, machines de glace) ; en retour, c’est à eux que nous vendons en priorité nos captures, pour rembourser les crédits et avoir nos marges bénéficiaires.»

Améliorer la compétitivité

Il faut rappeler que depuis 2004 le Cameroun a suspendu l’exportation de ses produits de pêche vers l’Union européenne, à cause de grosses lacunes d’hygiène constatées dans les procédures de capture, de manipulation et d’acheminement. Les efforts fournis par le pays, notamment la construction d’un laboratoire de contrôle et d’analyse, demeurent insuffisants. Bien plus, en 2021, le Cameroun a reçu un ‘’carton jaune’’ de l’UE, l’invitant à renforcer son action de lutte contre la pêche dite INN (Illégale, Non déclarée, Non réglementée) ; le carton rouge rôde… Le marché américain quant à lui n’est pas officiellement fermé, mais des normes sans cesse renouvelées et de plus en plus strictes en ont détourné les producteurs camerounais.

Le projet Fish4Acp devra accompagner le pays, pour faire lever les suspensions, et conquérir de vastes marchés (Afrique, Europe, Asie, Amérique). La vision commune étant «d’améliorer, sur une période de dix ans, la compétitivité de la filière pour une pêche crevettière camerounaise durable.»

Parole aux acteurs…

Pierre Nolasque Meke Soung, Coordonnateur national Fish4Acp Cameroun :

«Même niveau d’information de tous les acteurs»

«Nous sommes heureux que les acteurs se reconnaissent dans les résultats présentés et apportent des contributions appropriées pour améliorer ensemble la filière crevettière du Cameroun. Toutes les parties prenantes sont désormais au même niveau d’information et de diagnostic, et se sont accordées sur les premières activités à mettre en œuvre rapidement.»

Minette Tomedi Eyango, épse Tabi, Directeur de l’Institut des sciences halieutiques (ISH) de Yabassi :

«Nos données reflètent la réalité du terrain»

«Notre méthodologie a été validée par la FAO. Nos données reflètent la réalité du terrain, en dépit de la réticence de certains acteurs. Il faudrait mettre sur pied des activités de suivi et évaluation des stocks, avec élaboration d’un plan de gestion de toute la chaine de valeur crevettes. Nous devons par exemple accréditer nos laboratoires, et disposer du personnel formé à toutes les étapes de la chaine.» 

Louis-Martin Imoulanok, Président de la Plateforme Crevettes du Cameroun :

«Il nous faut un financement conséquent»

«Les opérateurs du secteur de la crevette découvrent d’autres réalités et des  potentialités ignorées de leurs activités. Heureusement, il y a de plus en plus de formation et de recyclage sur la pêche industrielle au Cameroun. Le projet Fish4Acp et l’État peuvent favoriser une meilleure insertion des nouvelles recrues. Il nous faut un financement conséquent et un accompagnement approprié.»

Mme Fonkou, épse Essombè Édith Marie, PCA Coopérative Les Mareyeuses :

«Nous élever à la conformité internationale»

«Nous devons privilégier le marché intérieur, au regard des blocages de plus en plus rudes qu’on nous impose à l’international. L’État doit aider les coopératives de pêche à s’organiser, parce qu’il y a une trop grande disparité de moyens. Par la suite nous allons nous tourner vers l’international, où les gambas du Cameroun sont très demandés. Le projet Fish4Acp devrait nous accompagner pour nous élever à la conformité internationale exigée par les marchés européens, américains, asiatiques et autres.»

Quelques pistes pour améliorer les Crevettes du Cameroun

  • Multiplier les moyens pour procéder à une évaluation et une connaissance réelles des stocks.
  • Renforcer, structurer et coordonner la lutte contre la pêche illégale.
  • Réduire les coûts de revient aux producteurs (carburant, location d’engins, acquisition de glaces, etc.).
  • Promouvoir des méthodes de capture/transformation/conservation compatibles avec la protection de l’environnement.
  • Renforcer et moderniser la chaine de froid.
  • Rendre opérationnel le laboratoire de contrôle et d’analyse des produits de la pêche, et l’accompagner dans le processus international de certification (annexe du LANAVET à Douala).
  • Faciliter l’accès des nationaux aux engins et aux sources de financement.
  • Appliquer un niveau de fiscalité supportable.
  • Mettre en place une politique de gestion concertée des ressources halieutiques.
  • Structurer l’activité par maillons (jusqu’à l’aboutissement d’une ‘’interprofession’’ de la filière crevettière).
  • Améliorer les conditions de travail et la sécurité sociale des acteurs de la filière.
  • Développer les exportations vers des marchés rémunérateurs (négocier l’obtention d’agréments et la levée des suspensions).
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